Les bactéries multirésistantes (BMR), de l'élevage à l'hôpital.

Mercredi dernier, 10-02-2016, à Amsterdam, une réunion européenne organisée par la FAO (organisation mondiale de l'alimentation, agence onusienne) prévenait le monde des dangers pour la santé humaine de la résistance aux antibiotiques chez les animaux d'élevage... sauf que la presse ne relaie pas l'information. Pourtant, entre ce problème ci et celui des pesticides, on s'aperçoit de beaucoup points communs.

A l'hôpital on se méfie des BMR comme du loup blanc, à tel point que des plans nationaux ont été mis en place non seulement à l'hôpital mais aussi en médecine de ville. Le patient a eu le droit à la fameuse communication « les antibiotiques, ce n'est pas automatique ». Les antibiotiques (ATB) étaient en effet visés puisqu'ils sont responsables de la résistance bactériologique. En général, selon l'ANSM, les actions menées sont efficaces, la consommation dans les hôpitaux est dans la moyenne européenne. En ville, la consommation d'antibiotique remonte doucement, après une chute conséquente, les Français restent de grands consommateurs à l'échelle européenne, mais il faut aussi prendre en compte le vieillissement de la population. Pour rester dans l'attaque un nouveau Plan Antibiotiques est en action.


Si l'humanité représente la moitié de la vente d'ATB, l'autre moitié de la richesse de l'industrie pharmaceutique se situe dans les élevages.
Il conviendrait donc à tout homme sensé de projeter le Plan Antibiotiques dans le monde de l'élevage. Un an après l'établissement d'un plan d'attaque antiobiorésitance mené conjointement par la FAO, l'OMS et la moins connue OIE (organistion mondiale pour la santé animale), quand on écoute notre Ministre de l'Agriculture, on pourrait presque y croire. Ecoutez :


Stéphane Lefoll, antibiorésistant de façade en 2012


Contradiction

Depuis 2012, le discours n'a pas vraiment changé, mais n'allons pas le croire sur parole. Il existe bien un Plan national de réduction des risques d'antibiorésistance en médecine vétérinaire  dépendant du Ministère de M. Lefoll mais pour  les résultats il faut se tourner vers une autre agence. Ainsi, allons voir ce que l'ANSES a à nous dire au sujet des ventes d'antibiotiques dans l'agriculture. Cette agence nationale n'appartient pas au Ministère de l'Agriculture mais à celui de la Santé, est-ce pour cela qu'elle ose contredire M. le Ministre de l'Agriculture ? Elle nous dévoile en effet dans la fluidité des chiffres une augmentation constantes de tous les antibiotiques. Mais si plus hauts nous modérions les données avec le vieillissement de la population, nous ne le pouvons pas ici puisque ces bêtes ne sont pas destinées à vieillir. Nous ne pouvons pas modérer non plus les résultats avec une augmentation du nombre de têtes, en effet, le cheptel a tendance à diminuer. Bref ici on est sûr qu'une bête reçoit plus d'antibiotiques chaque année.


Cette étude de l'ANSES, n'empêche pas le Ministère de l'Agriculture de confier ses études à l'EFSA. Cette agence européenne nous rassure, moins de 4% de ces tests ne correspondent pas aux normes... sauf qu'elle ne spécifie pas les dites normes dans ses rapports (pas très scientifique). Que recherchent ces tests ? Pas de bactéries, mais des ATB que l'agence classent parmi les LMR (limites maximales résiduelles). L'EFSA définit ces derniers sur son site comme "les niveaux supérieurs de concentration de résidus de pesticides autorisés légalement dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux". Voilà, les obligations de publications et de sérieux sont sur le net.
 
Est-ce le paysan qui n'a cure des recommandations nationales ? Est-ce le vérérinaire qui ne voudrait pas de son Plan gouvernemental ?

Et si, en Europe, les gens derrière la réforme "rationnelle" de l'élevage étaient les responsables ?
Bien sûr, si nous allons sur le site du ministère de l'agriculture, il nous est parlé agro-écologie illustrée, ici, une vache au milieu d'un champ, là, une bergère au milieu de 5 chèvres... Il y a comme un air de « greenwashing », propagande en français.

En Picardie ou dans les médias nous sommes sensibilisés par le cas de l'usine des Mille-Vaches. Si des éleveurs locaux et les associations font opposition, la justice et la préfecture (mandat direct de l'Etat) sont sacrément enclins à l'indulgence envers cette « usine » prompte à rompre les engagements et les promesses. Louche… en fait, comme nous l'informe le site reporterre.net il n'y pas que les mille-vaches, il y a bien d'autres fermes-usines. En fait il semble que nous assitons à un autre pan de la concurrence déloyale imposé par le Marché tout puissant. Chaque élevage devrait augmenter son cheptel ou voir son exploitation mourir ?




Le lien  ATB - fermes-usines :

La FAO lors de sa réunion de mercredi dernier fait le lien : " La résistance [aux antibiotiques] est une forme d'adaptation naturelle, elle est potentialisée par le mésusage des antibiotiques, et la prévalence de résistance dans le secteur agricole se voit généralement accroître chez les animaux des systèmes de production intensive."
Cet élevage, par la promiscuité, facilite la contamination, mais aussi la multiplication des blessures, entre bêtes. Ensuite, leur système immunitaire est mis à mal : l'augmentation du stress, l'absence de soleil et la souffrance sont connus comme des facteurs de risque des infections par baisse du système immunitaire. Il a bon dos, le nouveau statut légal de l'animal !
Pour éviter les infections de ces bêtes fragilisées (nous parlons lapins, boeufs, vaches laitières, veaux, porcs, poulets...), l'exploitant demande donc à son vétérinaire des ATB en prévention.
En comparaison, la prévention par ATB chez l'Homme est utilisée lors des chirurgies. Pour autant, les hôpitaux n'augmenteraient pas le nombre d'actes chirurgicaux pour faire du profit !.. si ? C'est un autre reportage Cash Investigation.

Pourquoi s'arrêteraient-ils en si bon chemin ? Les grands groupes entrés dans ce business, comme nous l'apprend Bastamag, manipulent les gènes dans une idée de rendement : plus de chair, des croissances accélérées, des capacités reproductrices accrues. Et encore une fois, cette idéologie jusqueboutiste de la croissance fait montre d'absurdité, ici, des poulets ne pouvant soutenir leur poids. Est-ce utile de préciser que ces pratiques engendre une augmentation de l'utilisation d'ATB ?
Comprenez bien qu'il ne s'agit pas là de rationnalité ni d'un objectif pour nourrir plus de monde, l'idée maîtresse est celle du profit.

Les risques de contaminations bétail-hommes ?

Le terme employé est zoonose, où comment les animaux nous contamine, plutôt simple : on les touche, on les mange. Ensuite, soit votre corps l'accepte, soit il réagit. Vous connaissez peut-être déjà la réaction de votre corps au passage de la Salmonelle. Campylobacter jejuni fera de même, sauf que celle-ci développe de manière de plus en plus prévalente des antibiorésistances. Il serait quand même dommage que par la faute d'une chaîne alimentaire corrompue et négligente, la médecine ait du mal à vous soigner.
Laissons Giulia Enders et son livre « Le charme discret de l'Intestin » nous expliquer la forme de corruption dont il est question (chapitre salmonellose): la salmonelle se promène parmi les lézards et les tortues d'Afrique, là où poussent pour une question d'économie les semences destinées aux volailles industrielles. Ensuite, à l'abbatage tous les gallinacés sont mis à tremper dans le même bain, broyés, et le tour est joué. Vous aurez compris que le poulet de l'exploitation traditionnelle est moins concerné.
Parlons aussi de la fameuse E. Coli, elle, vit tranquillement dans les intestins où elle ne cause aucun trouble. E. Coli a une tendance à développer des résistances aux béta-lactamimes, soit deux types d'ATB : les pénicillines et les cyclosporines. Malheureusement pour vous, surtout si vous êtes une femme, vous risquez à un moment donné de contracter une infection urinaire et le germe responsable sera sûrement E. Coli, priez pour que ce ne soit pas une colonie résistante.
Un dernier exemple, le Staphylococcus Auréus (auréus pour doré, soyons sympas avec les non-latinistes ou non scientifiques…). Le SA est célèbre mais il est surtout à craindre lorsqu'il devient SARM, soit un staphylocoque résistant à son antibiotique de premier choix, la méticilline. Résistant ou pas, le staph' (pour les intimes) vit sur la peau, il aime bien les ailes de nez et les aisselles. Alors on se le passe parfois d'une bise ou bien d'une embrassade coquine. 20 % des Français seraient porteurs permanents tandis qu'un autre tiers seraient porteurs intermittents. Question animaux d'élevage, aucun compte n'est tenu, seules sont comptées les infections. Pourtant  personne ne tombe malade puisque SA ou SARM squatte gentiment. Parfois il vous fait un bouton blanc, parfois vous vous grattez et ça se surinfecte. Puis c'est tout. Par contre il suffit d'une fois sur la table d'opération.... Priez alors les dieux protecteurs que vos hôtes bactériens du nez n'arrive pas dans les chairs, encore moins sur la prothèse qui est en train d'être installée.


De L'irresponsabilité des uns et des conséquences :

Ce genre d'infections par des BMR augmentent les durées d'hospitalisation, nécessitent parfois une autre intervention chirurgicales. C'est vraiment pas de chance alors que l'Hôpital en général chancelle, ferme des lits, n'emploie pas assez de personnel soignant, conséquence de la réforme hospitalière et de l'austérité appliquée à la Santé.


Quand la contamination passe par l'assiette et touche plus de deux personnes avec des symptômes, on parle de TIAC (Toxi-Infection Alimentaire Collective) C'est l'INVS qui surveille et le graphique est suffisamment parlant question évolution des TIAC au fils des années de libre-échange :

Quand la contamination passe par l'assiette et touche plus de deux personnes avec des symptômes, on parle de TIAC (Toxi-Infection Alimentaire Collective). C'est l'INVS qui surveille et le graph' est suffisamment parlant question évolution des TIAC au fils du temps :






Autrement dit, les 1% nous construisent un monde peu sympathique :


Tandis qu'industries agricoles et pharmaceutiques font des bénéfices sur leurs ventes, les conséquences de leurs actes sur la Santé Publique et l'Environnement sont payés par le citoyens (qui ne devrait pas être qu'un contribuable) grâce à une législation marchande dominante. Il est alors bien de rappelera que la loi est sensée protéger le faible.
Au niveau national, tandis que la peur des émigrés fait pression sur la notion de frontière, le Marché Libre continue de tisser sa toile. Ainsi politiques et industriels nous préparent, dans l'ombre, le TAFTA, tandis que les conférences mondiales climat, santé, faim se succèdent en plein jour. La différence ? les conférences économiques ont un pouvoir d'applications tellement plus puissant. et surtout ces industries poussant aux traités de libre-échange sont dans l'alimentation et la pollution. Il faudra bien résoudre cette opposition belliqueuse économie / Santé.


Heureusement, les citoyens (colibris, amapiens, agriculteurs bio, sélistes, commerçants équitables... ) ont des pouvoirs : ceux de la désobéissance, de l'activisme...








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